Des huées mêlées aux applaudissements. La première du Roi Lear a fortement divisé le public de la Cour d’honneur. On a retrouvé le clivage qui fait tout le piment du Festival d’Avignon. Olivier Py livre une version personnelle et engagée de l’œuvre de Shakespeare que l’on a trouvé magnifiquement bien sténographiée et interprétée. N’en déplaise aux grincheux.
Cordélia arrive en tutu sur des pointes. Un motard casqué et tout de cuir vêtu zigzague sur le plateau, c’est Edmond (Näzim Boudjenah). Goneril et Régane, perruques blondes et robe rose bonbon acceptent la répartition du royaume de Lear tandis que Cordélia, sparadrap sur la bouche se réfugie dans le silence. « Ton silence est une machine de guerre » écrit en grosses lettres s’éclaire alors sur le mur de la Cour. L’agitation qui anime le début du spectacle donne le ton d’un spectacle débridé, personnel, ancré dans le théâtre d’aujourd’hui.
En s’autorisant une nouvelle traduction moderne et nerveuse de la pièce de Shakespeare, Olivier Py savait qu’il allait s’attirer les foudres d’une partie des spectateurs et de la profession. Son texte cru et à fleur de peau ne s’encombre pas de circonvolutions poétiques. Il est direct, trash et trivial. Il donne du rythme et de l’intensité au spectacle. On a été littéralement scotché pendant 2h45. Il n’y aucun répit dans la mise en scène.
Pierre-André Weitz a imaginé une scénographie simple et efficace composé d’un plateau en tréteau et de palissades montées sur un escalier amovible. Lorsque la folie s’empare de Lear (Philippe Girard) et d’Edgar sous les traits de Tom (Mathieu Dessertine) le plateau fait place à une lande terreuse et boueuse, au milieu de laquelle un trou béant vient absorber les personnages.
Les comédiens sont portés par l’énergie du texte. Philippe Girard (le Roi Lear) et Mathieu Dessertine (Edgar) nus comme des vers sont bondissants de vitalité. Jean-Marie Winling en Gloucester, Eddie Chignara en Kent ou Jean-Damien Barbin en fou donnent de l’épaisseur aux personnages plus secondaires de la pièce.
Olivier Py qui va fêter ses 50 ans à la fin du festival n’aurait certainement pas monté Lear comme cela il y a 20 ans. Il fait de ce Roi Lear qui bannit sa fille Cordélia un réquisitoire contre la perte de sens dans le monde politique. Et dans sa vision de l’œuvre de Shakespeare, cela produit de la violence et de la guerre. La dernière image du spectacle, le charnier, sous regard de guérilleros masqués est glaçante. On retient notre souffle. Il y a bien longtemps que l’on n’avait pas vécu d’aussi belles émotions dans la Cour d’honneur
Stéphane CAPRON – sceneweb.fr
Le Roi Lear par Olivier Py
Traduction et mise en scène Olivier Py
Scénographie, décor, costumes et maquillage Pierre-André Weitz
Lumière Bertrand Killy
Son Dominique Cherpenet
Assistanat à la mise en scène Thomas Pouget
Avec
Jean-Damien Barbin
Moustafa Benaïbout
Nâzim Boudjenah de la Comédie-Française
Amira Casar
Céline Chéenne
Eddie Chignara
Matthieu Dessertine
Emilien Diard-Detoeuf
Philippe Girard
Damien Lehman
Thomas Pouget
Laura Ruiz Tamayo
Jean-Marie WinlingProduction Festival d’Avignon
Coproduction France Télévisions, Les Gémeaux Scène nationale de Sceaux, National Performing Arts Center – National Theater & Concert Hall (Taipei), Les Célestins Théâtre de Lyon, anthéa Antipolis théâtre d’Antibes, La Criée Théâtre national de Marseille
Avec le soutien de la Région Île-de-France, de l’Adami et de la Spedidam
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
Résidence à la FabricA
Durée 2h45Avignon 2015
Cour d’honneur
Du 4 au 13 juillet 2015
Du 1er au 18 octobre aux Gémeaux à Sceaux
Les 4 et 5 novembre au Théâtre Liberté de Toulon
Du 11 au 14 novembre à Odyssud à Blagnac
Du 19 au 21 novembre à la Criée de Marseille
Du 25 au 28 novembre aux Célestins à Lyon
Du 3 au 5 décembre au Théâtre National de la Communauté de Belgique à Bruxelles
Les 10 et 11 décembre à Antibes
Du 18 au 20 mars 2016 à Taipei
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