La Commune d’Aubervilliers offre pour la deuxième saison la possibilité à des artistes de traiter sur scène la vie de « gens d’ici » (aussi appelés « habitants de la Seine-Saint-Denis »). La Revue Éclair, créatrice de la pièce n° 7, a choisi de s’inspirer et de montrer le travail des « Diables rouges », le club de lutte de Bagnolet.
Sur la scène de la petite salle, sur d’immenses tatamis, enfants et adolescents accompagnés de leurs tuteurs s’entraînent à la lutte. Une femme (Corine Miret) les regarde, pense à voix haute assise sur un banc ou en déambulant, laissant entre chaque intervention de longs silences où l’on entend seulement le bruit des lutteurs. Elle parle de l’histoire de la lutte, des rencontres que ce sport lui a permis de faire. Elle parle aussi de son genou définitivement brisé, de la sensation par procuration que lui apportent les jeunes qui s’entraînent. Parfois, un objet important pour les lutteurs (mannequin, balance ou médaille) apparaît pendant quelques minutes joué par Frédéric Baron et s’adresse aux sportifs sur différents registres. Cette expérience où comédiens et lutteurs sont sur scène ensemble ne constitue pas pour autant un travail de groupe, l’entraînement de ces jeunes gens est pris comme un « ready-made » que le théâtre ne viendrait pas perturber.
Malgré un certain nombre d’échanges, d’interviews avec les lutteurs eux-même, la rencontre n’existe pas non plus à travers le discours. Le texte manque de clarté et, à chaque phrase, creuse une distance entre la réalité des comédiens et celle des jeunes lutteurs – un fossé entre les « cadres », pour reprendre l’expression d’Erving Goffman. Le texte de Stéphane Olry est un condensé de bons sentiments où seul le point de vue de celui qui pense est considéré. L’héroïne semble être de ceux qui « adorent la diversité », parlant avec gourmandise de sa rencontre avec « Hocine, le gardien » et son salut aux « pères arméniens » devant le gymnase. Elle reprend à son compte les phrases populaires qui font bien, plantent un décor (« partout où il y a des pauvres, il y a des lutteurs »). Elle connaît le nom de chacun des enfants sur scène, elle connaît un morceau de leur histoire. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle est un vecteur entre eux et nous. Elle semble aussi proche d’eux que l’homme politique qui se réclame « proche du peuple ». Anthropologiquement, le texte de cette pièce d’actualité est comparable à la chanson « Africa » de Rose Laurens. On est gêné par autant d’attrait pour l’exotisme à bon compte.
Une fois la sensation délicate de l’exploitation d’une réalité sur laquelle est projetée des fantasmes, il ne reste que l’ennui. Cette pièce d’actualité n’est même pas du théâtre documentaire. La pensée vient par effluves comme les odeurs dans un magasin de parfumerie, on a l’impression de sentir quelque chose et finalement il ne reste qu’une impression confuse en sortant. Le plus triste, c’est que cette création a sans doute été motivée par les meilleures intentions du monde, et chacun sait ce que dit le proverbe du pavage de l’enfer…
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
« Les sports de combat dans le 93 »
un projet de Corine Miret et Stéphane Olry (La Revue Éclair)
avec Corine Miret, Stépahne Olry, Frédéric Baron… et les lutteuses et lutteurs de Bagnolet Lutte 93 « Les Diables Rouges »
Durée : 1h301er épisode
« La Tribu des lutteurs »
du 29 novembre au 15 décembre 2016
à La Commune – centre dramatique national – Aubervilliers
mar, mer, jeu et ven à 20h30
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !